LA
LIBERATION
La résistance s'organise
dès décembre 1943, Alphonse Cherprenet, exploitant forestier et charbonnier, est
responsable des FFI de La Queue en Brie, avec François et Ernest Paret. Ils se
chargent du ravitaillement des maquisards, réfugiés dans le Bois Notre
Dame.
Depuis
le mois de février 1944, un « maquis » d'une trentaine d'hommes est organisé
dans le Bois Notre-Dame au carrefour des Huit Routes. Le groupe de Résistance
est commandé par Bariteau dit le lieutenant, qui reçoit ses ordres du capitaine
Grandchef de Noiseau et qui s'occupe activement de la résistance à Lésigny.
Les
10 et 11 août, deux postes de commandement d'unité de DCA et de parachutistes
s'installent pour quelques jours au château des Mûrets à l'aide de camions
réquisitionnés sur les routes de la région. Ils sont remplacés le 17 par un
important convoi de fourragères, chariots et fourgons lourdement chargés de
vivres et de munitions, qui repart le lendemain en direction d'Emerainville. Le
même jour, des canons de DCA et anti-chars prennent position au changement de
département, dans la pommeraie de M. Marin et dans le clos de madame Roger, près
du carrefour de la Croix Saint Nicolas. La route nationale est très animée par
les convois de troupes et de matériel filant vers l'est. Un camion en panne est
abandonné et détruit par les Allemands, voirie des Grand Clos.
Le
18, des troupes en camions stationnent de la Croix Saint Nicolas à la rue de
Lagny. Ce sont des « hussards de la Mort », très exigeants, qui s'introduisent
dans les maisons voisines : heureusement, ils partent le soir, de même que
l'artillerie et le village retombe dans un grand calme.
Le
dimanche s'annonce paisible, après un violent orage qui s'est déchaîné pendant
la nuit, mais vers seize heures, une voiture de la Croix Rouge arrive en trombe
dans la Grande Rue et s'arrête à la mairie. Les occupants, des officiers
allemands d'une formation sanitaire, après avoir déchargé leurs armes sur des
passants route nationale, demandent au maire avec insistance : il faut en toute
hâte trouver quarante matelas et de la paille à transporter au château des
Mûrets, devant servir à abriter les blessés. Vingt-cinq chambres sont
réquisitionnées dans le centre du village. En attendant, ils s'emparent de
bouteilles de champagne chez M. Morel d'Arleux et le maire Lafenêtre. La voiture
démarre et ils vont semer la panique au préau des écoles d'Ormesson où se
déroule une fête pour les prisonniers.
Le
lendemain matin, il faut donc aller de porte en porte prendre livraison des
matelas requis la veille. Un char allemand qui se dirige vers Ozoir a sa
direction en si mauvais état qu'il s'arrête tous les deux cents mètres pour
reprendre sa route, il est bientôt suivi par une voiture armée, et plus rien.
Derrière les bois, le canon gronde et des mitrailleuses crépitent, puis des
avions ronflent également au loin. La canonnade devient violente dans la soirée.
Dès la nuit, la circulation reprend sur la route nationale. A ce moment, les
malfaiteurs armés s'introduisent à la ferme de l'Hermitage et se font remettre
des bijoux, une importante somme d'argent et deux bicyclettes.
La
matinée du mardi est paisible : quelques rares coups de canon, mais chacun
remarque que les voitures militaires se dirigent à Fontenay-Trésigny. On apprend que
sept cent Allemands environ viennent d'arriver à Pontault, où ils ramassent les
bicyclettes (il viennent même à La Queue-en-Brie) s'emparant des
chevaux et des charrettes pour aller à Brie Comte Robert. Un Allemand étant tué
à Pontault, des otages sont pris, puis bientôt relâchés. Au crépuscule, de
violentes explosions ébranlent les maisons, des convois passent et les
cultivateurs ont caché leurs chevaux. Après une nuit assez calme, la canonnade
violente se rapproche et les Laiteries Modernes de Villiers ne peuvent faire
leur tournée habituelle de ramassage de lait en Seine et Marne.
Sous
un très violent orage, des convois traversent le village, se dirigeant vers la
Marne. A l'aube du jeudi, de fortes déflagrations secouent l'air, un grand
panache de fumée noire : le fort de Sucy saute ! Des attelages montent la rue
Fourrée pour aller on ne sait où. Vers 8 heures, des membres du comité de
Villiers arrivent pour ramasser le lait destiné aux enfants de cette ville et
perquisitionnent à La Briqueterie.
Le
24 août, un groupe d'homme mandaté par le Comité de Résistance et le Comité
local de Libération pénètre dans la mairie de La Queue-en-Brie. Devant la carence des
pouvoirs publics, balayés par l'offensive des troupes alliées, il faut dans les
plus brefs délais, mettre en place une commission administrative
provisoire qui prendra en main les destinées de la commune. Monsieur Jacques M.
Morel d'Arleux en est nommé président avec Jean Carré comme secrétaire et six
membres. Une milice populaire locale est aussitôt créée afin de maintenir, le
cas échéant, l'ordre sur le territoire
La
Libération semble proche et, le vendredi matin 25 août, des fantassins
allemands
harassés, venant de Bicêtre, demandent à être transportés en
voiture. Une charrette de la ferme et une camionnette des laiteries les
conduisent à Roissy. Le corps de police est crée la veille est alerté dans
l'après midi, il s'agit de calmer et de chasser du village un groupe de jeunes
gens du Plessis venus en auto, armés de revolvers, en quête d'un coup à faire.
Quelle témérité ! Le village risquerait gros : environ deux cents Allemands y
stationnent. Ils repartent et tout rentre dans le calme jusqu'au lendemain
matin, où règne sur les routes une grande animation.
De
bonne heure, une unité d'artillerie de DCA dénommée « Chittam » (cent cinquante
hommes environ), installe autour du village des pièces de 88 et de 20 venant de
la région parisienne. Le chef, Oberlieutenant sans doute, s'installe à l'entrée
du parc des Mûrets sous un sapin. Quelques voitures de la Croix Rouge arrivent
aux communes du château et transportent, route nationale dans le chantier
Cherprenet, six des matelas fournis le lundi précédent pour une formation
sanitaire qui ne vint pas.
A
8h30, un soldat est envoyé par l'officier pour détruire à la poste le standard
téléphonique. Cinq grenades explosent : le bureau de poste est jonché de débris.
Il arrive à la mairie pour faire de même et comme le téléphone n'y est pas
installé, il allume une cigarette, en donne à l'appariteur et au secrétaire de
mairie, et en souriant dit : « Demain, la guerre est finie ici ! ». Pourvu que
ce soit vrai et que le village n'en souffre pas. Il faut donc donner l'ordre de
ne pas circuler dans les rues et les champs, surtout du côté du front (vers
Paris ou Ozoir).
Un
fermier conduisant ses chevaux vers le Bois Notre-Dame essuie une rafale d'arme
automatique. Un jeune poulain est touché, qu'on est obligé d'abattre et de
débiter. L'angoisse se peint sur tous les visages. Dans la soirée, des avions de
reconnaissance américain survolent les positions du lotissement et surtout du
changement de département, reçoivent deux coups de canon de 20. Ils reviennent
alors observer plus longuement les pièces et les véhicules camouflés.
A
19h30, premier coup de canon. Les blindés américains débouchent des Bois Notre
Dame à 19h00 par la route Royale et la route de Lésigny, se faufilent à travers
bois et essuient quelques obus de 88. Ils tirent du pavé de Pontault et de la
lisière de la forêt, pilonnant le changement de département et la plaine. La
route nationale et le village ne sont pas épargnés et des obus ronflant
au-dessus vont exploser au loin à La Varennes et à Champigny. Bon nombre de
maiso,ns, rue de l'Avenir, route nationale, sont touchés.
Lors
du bombardement du 26 août, la maison de la famille Landry, chemin de l'Avenir
sera endommagée. Eliane Teillet, âgée de 16 ans, résidant 22, rue de Lagny
sortie imprudemment est mortellement blessé par l'explosion d'un obus. C'est
funérailles seront célébrées aux frais de la commune. Une autre tombe dans une
pièce d'habitation de la ferme de l'Hermitage, sans exploser, heureusement. Une
jeune fille est blessée à la Briqueterie et un cheval est tué, cependant qu'à
une des fermes, route nationale, deux génisses qui n'ont pu être rentrées à
l'étable sont tuées par des éclats dans le clos derrière la ferme. Un tracteur à
chenille et une voiture tout terrain sont incendiés et projettent aux alentours
des débris hétéroclites de bidons, d'équipements et d'obus.
Les
Allemands occupant la pommeraie de M. Marin se sauvent en toute hâte et, dans un
grand désordre, abandonnent les canons, munitions, voitures, bagages,
bicyclettes devant la violence et la précision du feu de l'adversaire. Deux des
leurs gisent sur les champs, de part et d'autre de la route nationale. Des
pansements ensanglantés, des uniformes maculés de sang font présumer qu'il y eut
des blessés, ils furent probablement soignés au pavillon des Mûrets et évacués.
Dès
22h30, on entend des armes automatiques assez rapprochées, le canon au loin et
le ronflement des blindés américains prenant la route de Roissy. Les positions
du Pont Banneret, du lotissement, du dépôt de Pathé-Cinéma sont évacués vivement
et en ordre. Les combattants se retirent par la ferme des Bordes et la route du
Plessis. Ne se reconnaissant plus, ils se fusillent entre eux et, à 23h00, un avion américain laisse
tomber
deux grosses bombes qui coupent la route du Plessis. Des chars servis par des SS
sortent de la station TSF de Noiseau et, par les champs, regagnent la route
nationale en face de Champlain. L'un mitraille la façade de l'auberge, tandis
qu'un autre est resté en panne dans le fossé des nageoires, d'où il est tiré par
le dernier tracteur à chenilles. On peut distinguer du village le sourd et
puissant ronflement continu des blindés américains et les acclamations
frénétiques des gens de Pontault. Le petit jour arrive, chacun met le nez au
vent. Les deux blessés transportées chez le docteur Autissier à Combault, puis à
l'hôpital Saint Antoine, l'une d'entre elle expirera le lendemain. Une auto et
un camion venant de la route de Noiseau, vers 7h30, roulant à vive allure sur la
route nationale, mitraillent la population se trouvant sur le champ de
bataille : pas de victimes. Un américain met sa mitrailleuse en batterie au Pavé
de Pontault, tue les chauffeurs, les autres occupants se rendent.
La
conduite d'eau a été coupée à Briqueterie et les fils électriques, sectionnés
par les éclats d'obus, traînent dans bien des endroits. Il reste deux canons de
88, trois canons de 20, un obusier, des camions, des autos touchées par des éclats et un
autobus de la STCRP bourré de munitions et d'explosifs.
Dimanche
dans l'après midi, les premiers Américains traversent le village sous les
acclamations d'un peuple libéré.
Le
28 août, les membres de la Commission administrative provisoire de La Queue-en-Brie se réunissent de
nouveau, monsieur Cherprenet se voit chargé de l'enlèvement des engins de guerre
qui pourraient être dangereux. Les canons seront placés sur la place de la Tour
près du monument aux Morts.
Bernard
Thomas
Mise à jour : Avril
2014
© ACEP et Albert Castel
- Mars 2014 - Reproduction
interdite
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